Santé Sécurité

Cette catégorie nous plonge au cœur du concept de la santé et de la sécurité, l’une des zones sensibles cruciales du contact interculturel, qui renvoie aux concepts et approches culturels du corps, de la santé, de l’hygiène et du bien-être et de la maladie. Il s’agit d’un concept très riche, au sujet duquel on observera des différences interculturelles significatives ; cela peut être source de nombreux malentendus, idées préconçues et interprétations.

Concept culturel de la santé

Mais qu’est-ce que la maladie et la santé ? Bien qu’elles apparaissent comme opposées, la réponse sera étroitement liée aux milieux, valeurs, traditions, normes et hiérarchies culturelles. Observons ici trois propositions différentes correspondant au même concept, comme exemple ouvrant à la réflexion.

 

Système ayurvédique

 

Système islamique

 

Système occidental

 

Objectifs du système de santé Rétablir l’équilibre des trois énergies vitales (les doshas : Vata-circulation et système nerveux ; Pitta-métabolisme et digestion : Kapha-articulations et immunité) Rétablir l’équilibre entre le mucus, le sang, la bile noire et la bile jaune.

 

Traiter les maladies physiques et mentales

 

Traitement systémique traditionnel
  • Régime et jeûne
  • massage
  • purge
  • opération en cas de fractures et d’accidents
  • ventouses
  • miel
  • changement de régime alimentaire
  • herbes médicinales
  • massages
  • opération en cas de fractures et d’accidents
 

  • massage
  • alitement
  • médicaments de synthèse
  • analyses de sang
  • opération (ablation) en cas de maladies et états de santé divers

 

Traitement en autonomie traditionnel
  • herbes médicinales et régimes
  • herbes médicinales et récitations coraniques
  • médicaments sans prescription
Causes perçues des maladies Causes perçues comme externes

– La maladie peut avoir des causes externes, être liée au malheur et au destin.

– La maladie peut aussi être liée à des questions sociales et religieuses.

 

 

 

Causes perçues comme internes

– La maladie est définie comme à l’opposé d’une bonne santé et comme dépendant de la vie du patient, de l’individu.

– La maladie est liée à un état physiologique ; le diagnostic est celui d’un trouble du dispositif.

 

Pour appréhender la diversité culturelle qui caractérise la santé, le traitement de la diversité des approches et usages faits du corps est inévitable. Il faut entamer la recherche en écartant l’illusion d’une universalité du corps. En effet, bien que le corps, en tant qu’entité physiologique et biologique, puisse être un dénominateur commun, immuable à travers les cultures, on découvre rapidement qu’il est loin d’en être ainsi pour son traitement. La façon de l’appréhender, de s’en servir, de le vêtir et de le laver varie largement d’une culture à l’autre.

 

L’invention de la propreté et de la santé

La santé est souvent associée à l’hygiène ; la raison en est étymologique, le grec ὑγιεινή (τέχνη)  hugieinē (technē) signifiant «  (art de la) santé  ». Pour se pencher sur les tabous et prescriptions, il faudra expliquer ce qui est considéré comme étant « propre », et pourquoi.

L’explication de l’origine des tabous corporels demande de voyager un peu à travers le temps. Il n’y a pas si longtemps, à Paris par exemple, il était courant de déféquer dans la rue. Quand a-t-on modifié cette attitude et changé cet acte en rituel personnel et discret ? Historiquement, l’invention des toilettes individuelles coïncide avec l’invention de l’individu ; les premiers cabinets d’aisance remontent au XVIIIe siècle. Aujourd’hui, la vue des toilettes collectives de la Rome antique éveille surprise et dégoût. Rares sont les occasions qui requièrent autant d’intimité que la vidange de sa vessie et de ses intestins.

Il y a bien d’autres manifestations corporelles involontaires (flatulences, éructations, nez qui coule, miction) que nous avons besoin de dissimuler. C’est particulièrement le cas pour les individus socialisés dans l’Occident moderne suivant l’impératif de « l’effacement rituel du corps ». Selon Le Breton, le corps, dans l’héritage d’une vision du monde judéo-chrétienne, est associé au péché, au douteux, au dégradant, tandis que l’esprit est associé au noble et au louable. Pour se conformer à cette vision, les occidentaux s’efforcent de dissimuler ce qui leur rappelle leur matérialité (flatulences, éructations, etc.). Ne pas maîtriser ces bruits est source d’une grande gêne et perçu comme déshonorant. Toutefois, la plupart des Européen.ne.s ne se gênent pas pour se moucher, bien que les règles encadrant le lieu et le moment convenables puissent différer ; en Corée ou au Japon, en revanche, une telle erreur ne se commet pas.

Pour Cohen-Emerique, cette tendance de l’effacement du corps est étroitement liée au concept de zones sensibles (terrains culturels risquant le plus d’engendrer une tension lors d’un contact interculturel). En effet, l’un des deux critères permettant de définir une « zone sensible » est l’apparition d’un comportement dont on a appris à se défaire lors de notre socialisation corporelle, qui s’étend bien au-delà des sons produits par le corps, touchant notamment à l’attitude face à la nudité, à la façon de se laver, de dormir, etc.

Rapport au corps et sécurité

Nous avons remarqué que, dans beaucoup d’incidents critiques, la santé et la sécurité étaient particulièrement liées, la sécurité élargissant le prisme de la zone sensible. En effet, pour certain.e.s, le rapport au corps, à sa santé, à son intégrité, est directement lié au sentiment de sécurité. Par conséquent, porter atteinte à la valeur liée à la santé touche la valeur de sécurité : la maladie (physique ou mentale), l’atteinte au corps, peut potentiellement mettre l’individu en danger. La valeur de sécurité recouvre cependant des dimensions plus larges relevant de la sécurité physique et affective de l’individu : puis-je subvenir à mes besoins, puis-je m’abriter, puis-je circuler en toute sécurité, ai-je des repères qui me rassurent, puis-je aller de l’avant en toute sécurité, est-ce que je vais bien ? La zone sensible liée à la sécurité implique donc aussi des valeurs de protection et de bienveillance. Selon les cadres de référence culturels, ce rapport à la sécurité peut varier : est-ce une priorité ? Quelle évaluation du risque ? Quelles ressources est-ce que je possède pour faire face en cas d’insécurité ? Dans certaines cultures, les risques ne sont pas forcément aux mêmes endroits. Les insécurités peuvent se trouver au niveau des relations, au niveau matériel, au niveau physiologique, au niveau mental, etc. Elles peuvent concentrer des incompréhensions importantes car elles sont cognitivement directement liées  à la survie de l’individu. Satisfaire le besoin de sécurité vient donc directement déclencher des réactions assez vives.

Les incidents

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