Choix du logement

« J’accompagne depuis 3-4 ans une famille du Daghestan, n’ayant pas obtenu le statut de réfugié. Elle a dû quitter le CADA (Centre d’Accueil pour Demandeurs d’Asile), sans solution de logement, elle a été hébergée par une famille bénévole de notre équipe puis a eu un hébergement à titre gratuit par une association locale. Cette famille vient d’obtenir une carte de séjour à titre temporaire. Je les ai accompagnés à un rendez-vous avec l’assistante sociale pour une demande de logement. Et là, à ma grande surprise, leur choix de logement est très restrictif (une maison dans une seule ville). Je leur dis que ce choix est trop limité mais ils maintiennent leur choix. Je ne sais pas comment je vais pouvoir demander un appui à la mairie pour cette demande de logement. »

Analyse du cas

Note : cet incident critique a été analysé sans la présence de la narratrice mais au travers d'éléments tangibles du texte original.

Narratrice
  • Femme
  • Française
  • Bénévole dans l’accompagnement de personnes primo-arrivantes, notamment sur des questions de logements
Autres personnes

Famille :

  • Les parents
  • 2 enfants garçons (12 et 18 ans)
  • Originaires du Daghestan (république russe fédérée)

Assistante sociale :

  • Femme
  • Française
Qu'est-ce qui les sépare ?
  • Statut en France : Nationalité Française VS Titre de séjour temporaire
  • Position hiérarchique : Bénévole accompagnante VS Famille accompagnée
  • Origine : Française VS Daghestanaise
Contexte physique

L’incident se déroule dans le bureau d’une assistante sociale avec la famille du Daghestan et la narratrice, bénévole accompagnante. Ce rendez-vous a pour objectif une demande de logement pour cette famille, à Nantes. La narratrice accompagne la famille, et c’est dans ce cadre que le rendez-vous a lieu. Il s’agit de la première rencontre entre l’assistante sociale et la famille.

Contexte social, psychologique

La narratrice accompagne la famille depuis 3-4 ans. Le statut de réfugié ne leur a pas été accordé. Lors de l’incident, la famille venait d’obtenir une carte de séjour temporaire et était hébergée par une association locale.

Réaction au choc / Sentiments vécus
  • Surprise/Incompréhension : « à ma grande surprise, leur choix de logement est très restrictif »
  • Impuissance : « Je ne sais pas comment je vais pouvoir demander un appui à la mairie pour cette demande de logement »

Exploration du cadre de référence de la narratrice

Partie haute de l'iceberg
  • Rendez-vous pour un logement
  • Accompagnement depuis +3 ans
  • Famille avec conditions précaires
  • Choix précis du logement par la famille
Partie basse de l'iceberg
  • Sécurité - protection - hiérarchie des priorités - flexibilité

     

    Pour la narratrice, son rôle de bénévole est d’assurer la protection de cette famille. En effet, pour elle un logement permettrait à cette famille et surtout aux  enfants d’avoir un toit et donc de garantir une sécurité et un certain confort.

    C’est pourquoi, les restrictions que font la famille lors du choix du logement surprennent la narratrice. Pour elle, au vue de la situation urgente et précaire de cette famille, la priorité devrait être de trouver un logement le plus rapidement possible et non pas de faire certaines restrictions concernant la localisation.  Elle dit « Et là, à ma grande surprise, leur choix de logement est très restrictif ». La narratrice pensait que la famille serait plus flexible concernant le choix du logement. Leurs restrictions viennent donc heurter chez la narratrice son ordre des priorités ainsi que ses valeurs de sécurité et de protection.

  • Responsabilité professionnelle

    La bénévole sent qu’elle est mise en difficulté professionnellement. Elle nous dit : « Je ne sais pas comment je vais pouvoir demander un appui à la mairie pour cette demande de logement. »

    La narratrice se sent impuissante, et elle est confrontée à un réel défi qui est de justifier les restrictions de la famille pour leur trouver un logement.

    Pour elle, le but est de trouver un logement adapté à la famille, mais elle se voit confrontée à une restriction des choix de la famille, qui réduit leurs probabilités d’obtenir un logement rapidement. Quand on fait une demande, avoir plusieurs options et une posture ouverte est souvent bien perçu car cela permet d’entamer un dialogue avec les interlocuteur.rice.s.

  • Reconnaissance - légitimité

     

    Le fait que la famille soit accompagnée par la narratrice depuis plus de 3 ans et que cette dernière n’ait pas l’impression d’être écoutée a pu être perçu comme un manque de gratitude et de reconnaissance  qui a pu la heurter : « Je leur dis que ce choix est trop limité, mais ils maintiennent leur choix ».


    La bénévole a du mal à se sentir légitime dans son rôle d’accompagnatrice, sentiment renforcé par le potentiel manque de confiance de la famille.

Exploration du cadre de référence de la personne représentant l'altérité

Partie haute de l'iceberg
  • Rendez-vous pour un logement
  • Accompagnement depuis +3 ans
  • Choix précis du logement
  • Peu de moyens
Partie basse de l'iceberg
  • Confort - Liberté de choix - autonomie - hiérarchie des priorités

     

    Hypothèse 1 : Méconnaissance des services – Il est possible que la famille n’ait pas connaissance des démarches administratives et du processus d’accès aux logements par les services de la mairie. Peut-être que la famille imagine qu’elle ne pourra pas refuser la première proposition qui leur sera faite.

    Hypothèse 2 : Autonomie – la famille sait quel logement leur correspondrait au mieux. La famille impose son choix de logement, et refuse de se faire imposer un logement.

    Hypothèse 3 : La narratrice met en avant le choix du centre ville par la famille. C’est en centre-ville que se trouvent en général les écoles, travail, transports, commodités… Ce choix peut être motivé par une adaptation plus rapide pour la famille à s’insérer à la vie locale.

     

     

Conclusion - Marge de négociation

Valeurs communes

Hiérarchie des priorités – Autonomie – Confort

Explications

Narratrice

La narratrice cherche à préserver la sécurité de la famille en les aidant à trouver un toit. Il semblerait que pour elle même un logement propre serait préférable face à un logement de passage qui leur est proposé jusqu’ici.

Pour la bénévole, la priorité est de permettre à la famille d’avoir un logement à eux, pour qu’ils puissent être autonomes. Elle cherche à assurer la pérennité du logement de la famille et apporter ainsi une stabilité à leur vie en attente de l’obtention de leur titre de séjour définitif.

 

Personne représentant l'altérité

La famille semble chercher un logement qui correspondrait précisément à ses attentes. La priorité est le respect de leur autonomie, de leurs choix et de leur confort (cf hypothèses 3 et 1).

Marge de négociation

Nous   rencontrons   souvent   des   réactions   de   choc   du   côté des professionnel.le.s lorsque les   personnes   accompagnées   font   des choix qu’ils.elles n’approuvent pas. Ces choix sont vus comme imprudents avant même avoir cherché   à   comprendre   ce   qu’ils   représentent   pour les usager.ère.s.

Les personnes en situations précaires ne s’autorisent pas souvent à faire des choix qui pourrait leur apporter plus de confort dû à leur situation souvent urgente. Dans cet incident, la localisation du logement semble représenter beaucoup pour cette famille. Il peut s’agir d’un sentiment d’appartenance, d’un certain confort, d’une proximité avec leurs proches ou des commodités du centre ville…

En revanche, la narratrice semble interpréter ce choix comme une demande déplacée, un désir qui n’est pas adapté ni raisonnable au vue de la situation précaire de cette famille.

Il serait donc intéressant de demander dans un premier temps les priorités de la famille sans plaquer ses propres préjugés sur la situation. Ensuite, un compromis serait peut-être possible pour pouvoir répondre au mieux aux exigences de la famille.

Si la famille ne veut revenir sur aucune exigence, la bénévole peut également leur rappeler très factuellement, sans jugement, le risque de se retrouver à la rue et les conséquences qui en découleront, d’autant plus avec des enfants à charge.

Il peut être utile dans les accompagnements de toujours expliciter les démarches et le fonctionnement des institutions : dans cette situation, faire un compromis en laissant plusieurs choix ouverts n’empêche pas la famille de pouvoir dire « non » si la proposition ne leur conviendrait pas.