Engagement Solidarité Hiérarchie

Engagement, solidarité et hiérarchie sont des valeurs très souvent questionnées dans le travail en contexte interculturel. 

La barrière subtile entre le personnel et le professionnel dans le travail social

Le travail social implique l’accompagnement et l’aide à l’autre. C’est pourquoi l’existence d’une relation professionnelle entre travailleur.euse social.e et usager.e peut facilement être confondue avec une relation personnelle. Les professionnel.le.s, mus par l’empathie (et d’autres sentiments connexes), peuvent être conduits à des relations de dévouement sans limites définies, soutenus par la solidarité et l’engagement supposés, mais qui, avec le temps, peuvent être source de tensions sur la compréhension du rôle professionnel, de l’identité et des exigences intenses envers soi-même. Dans ces relations, une hiérarchie (voulue ou non) existe : il y a les personnes accompagnées, et les personnes qui accompagnent. Dans cette relation, les professionnel.le.s pourraient travailler vers l’émancipation et l’autonomie des usager.e.s, d’un coté pour rééquilibrer la balance et de l’autre pour que la personne accompagnée devienne actrice de son propre projet d’insertion. Il est également recommandé d’appuyer la relation sur un équilibre basé sur des limites établies par chaque professionnel.le en fonction de son expérience personnelle, du cadre de sa structure, de son contexte et de ses possibilités d’action.

La barrière entre les domaines professionnel et personnel est subtile, et, lorsqu’elle est franchie, le.la professionnel.le du travail social est très souvent face à un choc de culture qui s’apparente à un choc interne (deux valeurs d’une même personne entrent en conflit). Par exemple, dans l’incident ‘entre le marteau et l’enclume’, un jeune primo-arrivant offre de nombreux cadeaux à sa tutrice, qui est gênée, mais n’ose pas les refuser. 

Le processus de recherche de cet équilibre est continu et nous devons être attentif.ve.s à repenser nos limites chaque fois que cela est nécessaire. C’est aussi un processus qui n’est pas immuable : au fil du temps et de notre parcours, il est possible de revoir les accords que nous passons avec nous-mêmes et d’essayer de développer des alternatives pour proposer le meilleur suivi possible.

Différences interculturelles dans la perception de la responsabilité professionnelle et de la solidarité

La définition de solidarité est directement liée au sentiment de responsabilité et/ou de dépendance par rapport au groupe dont on fait partie. 

Emile Durkheim (1858-1917), sociologue français, a montré que la solidarité pouvait prendre des formes différentes :

  • La solidarité mécanique, fondée sur la similarité des individus dans les sociétés traditionnelles à forte conscience collective. Dans cette logique, les problèmes auxquels l’un.e fait face sont finalement les problèmes de tou.te.s.
  • La solidarité organique est liée aux interdépendances dans les sociétés modernes en raison de la division du travail et l’individualisme. Elle s’exprime de différentes manières dans notre vie quotidienne, et à différents niveaux, en fonction des positions et rôles de chacun.e.

Selon une étude réalisée au Canada avec des familles accompagnées différenciées selon le statut socio-économique, le ou la professionnel.le du travail social est représenté.e comme une figure soit d’assistance, soit de surveillance. Cela nous montre la position complexe et sensible de l’assistant.e social.e, qui est guidé.e par la solidarité avec l’autre, et qui en même temps ne peut pas se dissocier du cadre professionnel établi – et de la hiérarchie liée à ce cadre. Les professionnel.le.s de la solidarité sont payé.e.s pour exercer ce métier. La solidarité est donc encadrée, ce qui n’annule pas la vocation mais peut poser des questionnements éthiques. 

Rapports de pouvoir dans le travail social

Tendance à l’horizontalité ou à la verticalité entre cultures différentes. 

La hiérarchie peut être définie comme un système d’organisation de personnes ou de groupes, classés selon leur importance, ce qui entraîne généralement des droits et des devoirs différents en fonction du niveau.  Par exemple, un.e stagiaire qui rejoint une association aura un salaire plus modeste et moins de responsabilités qu’un.e collaborateur.trice. Dans le domaine du travail social, cependant, les rôles et responsabilités ne sont pas toujours clairs ou cloisonnés pour toutes les parties.

Les cultures diffèrent en termes d’importance attribuée aux différences de pouvoir. Certaines sociétés auront tendance à minimiser ces différences, tandis que d’autres les reconnaîtront et les reproduiront.  C’est en fait l’une des principales dimensions des différences culturelles que Hofstede a identifiées.  Il l’appelle la « distance de pouvoir ».

Cette dimension exprime le degré auquel les membres les moins puissants d’une société acceptent et s’attendent à ce que le pouvoir soit réparti de manière inégale. La question fondamentale est ici de savoir comment une société gère les inégalités entre les personnes. Dans les sociétés présentant une grande distance de pouvoir, les gens acceptent un ordre hiérarchique dans lequel chacun.e a sa place et qui n’a pas besoin d’être justifié. Dans les sociétés où la distance de pouvoir est faible, les gens s’efforcent d’égaliser la répartition du pouvoir et demandent une justification des inégalités.

Hofstede s’est principalement concentré sur la comparaison des cultures nationales. La France et les Pays-Bas, par exemple, ont souvent été utilisés pour illustrer les deux orientations opposées. Selon lui, la tendance à l’horizontalité des Néerlandais.e.s se manifeste par exemple dans la pratique quotidienne du.de la directeur.rice de l’école qui salue chaque élève par une poignée de main, et dans la tendance des supérieur.e.s et des employé.e.s à déjeuner ensemble. La tendance à la verticalité en France se manifeste par exemple dans les modèles de rapport  asymétrique : un.e professeur.e d’université peut traiter l’étudiant.e de manière informelle alors que l’étudiant.e doit traiter le.la professeur.e de manière formelle. En outre, les subordonné.e.s ne sont pas encouragé.e.s à être en désaccord ouvert avec leurs supérieur.e.s. Ce qui fonctionne pour les cultures nationales peut également se retrouver dans d’autres types de cultures :  professionnels, intimes, artistiques, éducatives, générationnelles, de genre, etc.  Le secteur associatif, par exemple, tend de façon globale vers plus d’horizontalité. Cette tendance est liée aux valeurs auxquelles ce type de culture s’identifie (égalité, solidarité…).  Cependant, au niveau individuel, d’autres facteurs (orientations politiques, rapport à la différence…) s’additionnent pour déterminer le positionnement de chacun.e par rapport à la dimension de la distance de pouvoir. 

 

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