Croyances et convictions

Qu’est-ce croire à quelque chose ? Les croyances diffèrent de la foi en ce qu’elles peuvent être basées sur des faits fréquents, sur l’observation et sur l’expérience. Pour autant, des faits fantastiques peuvent également être pour les personnes croyantes une vérité absolue. Ainsi, aussi bien les croyances que la foi peuvent apporter des convictions.

La foi évoque des éléments abstraits, un espoir ou même une confiance aveugle dans une réalité transcendante. Pris dans des situations difficiles, par exemple face à des problèmes de santé, des individus croyants peuvent interpréter leur situation comme résultat d’une coïncidence surnaturelle et peuvent alors faire appel à leur foi dans l’intervention divine.

Même si pour certaines personnes cela peut sembler irrationnel, les croyances et la foi peuvent apporter des résultats positifs sur la santé, par exemple, car la foi peut apporter de l’espoir et de la motivation pour l’avenir. Les croyances peuvent alors servir de confort ou d’apaisement psychologique pour tenir bon et aller vers le futur.

Les croyances et la foi ne sont pas nécessairement liées à une religion, mais elles en sont une étape. « Lorsqu’une tradition spirituelle se fixe, lorsqu’elle élabore des règles censées être suivies par les personnes, lorsqu’elle énonce ses croyances fondamentales comme des « enseignements » ou des « doctrines », que les gens sont invités à accepter, et quand un ensemble de figures d’autorité émerge pour s’assurer que la tradition est respectée, alors elle devient une religion. […] Les spiritualités communautaires génèrent un sentiment d’appartenance et d’engagement envers sa communauté. » (COSGRAVE, Bill, 2017).

Ainsi, un élément commun des religions est le fait de croire collectivement à quelque chose, et d’en développer une foi, par exemple la foi en l’intervention divine.

Religions

La religion ne se restreint pas à la sphère individuelle ou privée. Elle s’appuie sur les croyances et sur la foi pour indiquer les comportements à suivre, les valeurs à adopter, les convictions qui guideront la vie collective. Les religions, en étant une force motrice pours des individus et des sociétés, peuvent façonner certaines convictions. Ainsi, une religion donnée peut entrer en conflit avec d’autres religions, ou avec l’athéisme (qui est également une croyance).

Dans la plupart des pays occidentaux, la diversité religieuse est un fait. C’est dans la liberté de conscience et de religion, ainsi que dans le principe de laïcité qu’une réponse pour accommoder toutes religions de manière plus ou moins égalitaire a été trouvée. Néanmoins, dans certains pays, la religion est intimement liée au politique, et est alors imposée à tou.te.s les concitoyen.ne.s.

La religion se fonde avant tout sur la vénération, mais aussi sur l’attitude morale et la contribution aux institutions religieuses (Xiaochi Zhang, 2013). Les partisan.e.s de la théorie de la gestion de la peur (Goldenberg et al., 2006) considèrent que tout système de croyances culturelles – en particulier la religion – a pour fonction psychologique de protéger l’individu de l’anxiété́ qu’induit la conscience de sa mort certaine, inéluctable. Ce n’est donc pas une surprise si en situation interculturelle, où il est probable que ses codes et ses valeurs soient remis en question, que discuter de la religion puisse conduire à la stupeur, au malentendu ainsi qu’au jugement moral.

On reconnaît aujourd’hui que le droit d’avoir une religion est un droit fondamental. Empêcher quelqu’un.e d’exercer sa foi est interdit, tout comme obliger une personne à désobéir à ses croyances, sauf pour des motifs impérieux et raisonnés, est proscrit. La Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme prévoit que, « Toute personne a droit à la liberté́ de pensée, de conscience et de religion » (Article 9). Aussi, selon Roseline Letteron, « La Cour européenne des droits de l’homme ne donne aucune définition de la religion, et tend à qualifier comme telle tout mouvement qui revendique la liberté de culte. »

Pourtant, l’une des conséquences de la socialisation culturelle est que l’on acquiert une préférence pour son propre bagage culturel, qui sera évalué par chaque individu comme étant le plus juste et le plus vrai. On émet alors des jugements reposant sur les valeurs spécifiques à son propre contexte social et à ses propres représentations. Suite aux récents évènements en Europe (attentats, migration au cœur des débats, …), la place de la religion et l’image de certaines minorités sont devenues un sujet sensible.  La réalité de la France d’aujourd’hui est celle d’une pluralité religieuse grandissante. Or, si découvrir d’autres religions peut conduire certain.e.s à évoluer vers une plus grande tolérance et curiosité, cela peut inversement conduire à des crispations identitaires et des positions plus rigides.

Liberté, Égalité, Fraternité, Laïcité

La notion de laïcité signifie que l’Etat respecte toutes les croyances, et n’en reconnaît officiellement aucune. La laïcité repose sur trois principes : la liberté de conscience et celle de manifester ses convictions dans les limites du respect de l’ordre public, la séparation des institutions publiques et des organisations religieuses, et l’égalité de tous devant la loi quelles que soient leurs croyances ou leurs convictions (source gouvernement). Ainsi, aucune religion ne peut imposer ses prescriptions à la République et aucun principe religieux ne peut conduire à ne pas respecter la loi, et inversement. La laïcité n’est pas une opinion parmi d’autres mais la liberté d’en avoir une. Elle n’est pas une conviction, mais le principe qui les autorise toutes, sous réserve du respect de l’ordre public.

Dans son but initial, la laïcité cherchait ainsi à séparer l’Etat et les religions, en imposant la neutralité de l’Etat à l’égard des confessions religieuses. Néanmoins, nous voyons aujourd’hui une réinterprétation du terme, certain.e.s invoquant la laïcité pour exiger un comportement individuel neutre, sans aucune manifestation religieuse symbolique. Une vision de la laïcité est attachée à la stricte neutralité religieuse dans l’espace public quand l’autre s’oppose à gommer tout signe d’appartenance religieuse.

Politisée et médiatisée, la laïcité fait alors l’objet de discours envers les croyant.e.s, ce qui est en contradiction à sa nature première. parfois, nous pouvons voir la laïcité être évoquée dans le but de juger les religions comme étant plus ou moins dangereuses à la société. ainsi, la laïcité peut devenir une forme d’idéologie qui dépasse la séparation de l’Etat des croyances et religions, et s’installer comme une croyance. Elle finit par dépasser la force de la loi de 1905, et une perception s’installe au-delà des institutions : les individus devraient eux aussi être laïques pour assurer la dignité des droits. 

Les pratiques religieuses et le travail social

Le travail social en France comprend des interactions avec des publics de diverses origines, de diverses cultures et de diverses religions. Ainsi, dans les échanges interculturels, il est normal et fréquent d’être confronté à des personnes plus pratiquantes que d’autres. Car, dans chaque culture, les croyances et les convictions liées aux religions ont des places différentes, plus ou moins importantes.

Toutefois, et malgré le principe de laïcité, les divisions sociales, raciales et religieuses peuvent menacer notre vie pacifique. Il faut donc que les professionnel.le.s et bénévoles du travail social fassent preuve d’une certaine sensibilité et soient capables de reconnaître ou de comprendre le raisonnement qui sous-tend la foi ou la religion d’une personne, afin d’assurer un dialogue qui mènera l’autre à se sentir accueilli et intéressé à en apprendre davantage sur les normes et principes de la société dans laquelle il ou elle entre. Ce dialogue conduirait donc à une meilleure adaptation et intégration dans un contexte qui est probablement différent de celui dans lequel l’on se trouvait auparavant.

S’intéresser aux croyances et pratiques des usagers, dans le travail social, peut amener les professionnel.le.s à mieux comprendre les raisons et les comportements des usager.e.s, sans pour autant avoir à accepter ces comportements ou propositions. Ouvrir la discussion afin de tirer des clés de compréhension permettront un dialogue plus apaisé, permettant ensuite aux usager.e.s de mieux comprendre les codes en France, en évitant les crispations et le repli. Les usager.e.s pourront ensuite adopter ces codes, ou non, mais en connaitront la rationalité et les conséquences. Ainsi, l’un des objectifs du travail social en contexte interculturel et interconfessionnel peut être de tracer des points communs entre les religions, en œuvrant à la promotion du dialogue interreligieux et à la laïcité : toute religion peut exister et se manifester sans perturber l’ordre public.

Souvent, dans le travail social, nous sommes confronté.e.s à des interactions avec des personnes ayant des croyances ou positionnements très différents des nôtres. Pour autant, nous ne pouvons pas nous empêcher de porter un jugement ou un positionnement. Dans une logique de soutien à l’adaptation des personnes accompagnées, il est ainsi possible d’ouvrir la discussion sur la place des pratiques religieuses (par exemple dans un contexte de travail). Dans un cadre bienveillant, on peut mener une réflexion collective sur les limites qu’impose une vie active, et de comment rendre son identité plus flexible pour pouvoir pratiquer sa religion tout en l’accordant avec sa vie professionnelle, en respectant les cadres imposés. Selon la psychiatre S. Bonnel, « Il est important de libérer la parole et de parler de la représentation des croyances, en posant des questions ouvertes qui permettent une réponse. Il faut avoir conscience que la relation ressemble à une cohabitation qui repose sur le tact et le respect, la curiosité et le désir de comprendre ».

Divers dispositifs d’État ou certifiés par l’État proposent des formations pour comprendre aborder la laïcité. Ces formations aident les fonctionnaires, les professionnel.le.s et les bénévoles à mieux comprendre comment la République Française envisage l’application du principe de laïcité dans la pratique professionnelle de façon à renforcer les valeurs de liberté, égalité et fraternité. Ainsi, si les professionnel.le.s du travail social disposent d’informations concrètes et exactes quant aux enjeux liés aux pratiques et manifestations de croyances et religions dans l’espace public en France, il est important de les partager avec les personnes accompagnées de façon respectueuse (sans porter de jugements sur leurs religions) et tolérante (sans chercher à empêcher la pratique religieuse). De même, le prosélytisme est interdit par la loi en France, et se retrouver face à des personnes au comportement prosélytique peut amener des situations de chocs, comme c’est le cas dans l’incident « de quelle religion êtes-vous ».

En 2005, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe préconisait : « une bonne connaissance générale des religions et par conséquent un sens de la tolérance sont indispensables à l’exercice de la citoyenneté́ démocratique » (…) « La connaissance des religions fait partie intégrante de celle de l’histoire des hommes et des civilisations. Elle est tout à fait différente de la croyance en une religion donnée et de sa pratique. »

Les croyances et convictions dans nos incidents critiques

De nombreux incidents contenus sur la plateforme Prismes ont trait à des rites religieux, des tabous et/ou à des prescriptions bien précises concernant les croyances et la religion. Toute religion établit un ensemble de tabous, c’est-à-dire d’objets ou de comportements touchant à l’interdit. En étant non familier de ces règles, souvent implicites, et que l’on ne connait pas précisément leur signification ou importance, alors le terreau devient fertile à l’apparition d’incidents critiques. C’est le cas par exemple dans l’incident « un paquet de gros sel », dans lequel une professionnelle se retrouve confrontée, lors d’un rendez-vous, à un rituel assez inhabituel de la part d’une usagère.

Outre les tabous et prescriptions, les obligations et les rites peuvent également venir causer des chocs culturels. Par exemple, dans l’incident « Le chaman », une psychologue clinicienne, dont ses croyances (notamment professionnelles) sont ancrées dans un système plutôt cartésien se retrouve dans l’incompréhension lorsque l’un de ses patient effectue un rituel dans son bureau. Son « auto-choc » (deux valeurs individuelles en contradictions à un moment donné) nous montre que l’explication des croyances peuvent, au lieu d’être vues comme irrationnelles ou menant à des troubles psychiques, servir de pistes) la thérapie ou aider la professionnelle à participer à un bien être mental pour son patient.

Les incidents

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