Intimité

Retenue ; Intimité ; Rapport au corps

A son origine l’intimité était avant tout liée à la notion de relation, l’intimité d’un couple, d’une famille ou de personnes proches. « En tant que terme, l’intimité a été utilisée depuis toujours par les psychologues et les psychanalystes, et le plus souvent sous sa forme métaphorique, pour exprimer un type singulier de relation ou pour rendre compte d’un lien privilégié. » (M-P Chevalérias 2003).

Aujourd’hui la notion d’intimité représente l’espace personnel et privé de chaque individu, ce que nous appelons parfois notre « jardin secret« . L’intimité est un vaste terme qui diffère selon l’identité de chacun. On comprend où se trouve notre intimité lorsqu’on en atteint les limites. En effet, quand un individu vient dépasser la frontière de notre intimité, nous pouvons ressentir différents sentiments tels que la gêne, la honte, la colère, la peine… L’intimité fait aujourd’hui référence à un besoin vital existant et variant cultures mais aussi différent pour chaque individu. Cette notion prend en compte de nombreuses thématiques telles que la pudeur, la retenue, la sexualité, le rapport au corps…

L'intimité du corps

Lorsque l’on parle d’intimité, on pense directement à ce qui, pour tous, est ce qu’il y a de plus intime : le corps.

Le corps constitue l’objet central de la consultation médicale, certes, mais c’est également un produit de la culture et il est souvent vecteur de difficultés et de différence.  Même en affirmant que la culture appose sa marque sur le corps de tous, on constate que cette marque diffère d’un corps à l’autre : on repère facilement des modes vestimentaires et des ornements, tels des piercings, des tatouages, le résultat d’une chirurgie plastique ou d’un rite de passage. Tout ceci représente une façon d’imprimer sur un corps la marque d’une culture ; autrement dit, selon les mots de Le Breton, le corps « au naturel » n’existe pas : toute culture y laisse sa trace, qu’il s’agisse d’un ajout (tatouage, maquillage, cicatrices, bijoux, etc.), d’une soustraction (circoncision, excision, épilation, mutilation, etc.) ou du remodelage d’une partie du corps (cou, oreilles, lèvres, pieds ou crâne).

Dans l’incident critique « Pudeur », la narratrice fait face à une situation venant heurter sa valeur d’intimité. En effet, dans le cadre de référence de la narratrice, le corps fait partie de l’intimité. C’est pourquoi le geste du mari, qui est de montrer le corps de sa femme et ses cicatrices, provoque chez la narratrice de la gêne. La narratrice ne considère pas sa relation assez proche avec cette femme, pour lui permettre de voir son corps et ses cicatrices. On remarque bien qu’il y a donc un décalage de la notion d’intimité entre la narratrice et celle du couple.

La sexualité

D’après Dora Djamila Mester « La sexualité humaine – profondément liée au corps et ses fonctions biologiques – est souvent considérée comme universelle et traitée comme un phénomène naturel. Néanmoins, si nous commençons à déconstruire les différents éléments de la sexualité – le sexe , les émotions , les interactions sociales , les relations, les habitudes et  orientations sexuelles, les différentes pratiques sexuelles et même l’interprétation du désir érotique, la signification ou l’utilisation du corps – il s’avère que tout autour de la sexualité humaine est profondément déterminé par la culture. Si nous comprenons la complexité des différentes identités culturelles, les intersections et la fluidité de la sexualité nous pourrons nous rapprocher non seulement de notre propre sexualité en tant qu’individus , mais nous serons en mesure de comprendre pourquoi d’autres se comportent «autrement» .

En effet, la sexualité, tout comme le fait d’en parler ou non, varie selon les cultures et c’est ce que nous illustrons avec l’incident : « Tabou sur la sexualité et le SIDA »

Dans cet incident, traiter de la sexualité et du SIDA n’est pas un tabou pour la narratrice, car elle explique : « J’ai malgré tout insisté  en  expliquant que culturellement c’était important de  savoir qu’en France on parlait de sexe et qu’on sensibilisait à propos du SIDA. ». On remarque, dans cet incident critique, la différence du rapport à la sexualité et à l’intimité entre la narratrice et le groupe d’apprenant.e.s.

Différencier la sphère professionnelle de la sphère intime

Historiquement, le travail social était lié aux œuvres de charité. Si les travailleurs sociaux se sont professionnalisés lors du 19ème et du 20ème siècle, ils n’ont pas perdu leurs fondamentaux, basés sur l’écoute, l’aide et le conseil. Cependant, le rôle du travailleur social peut-être parfois encore difficile à définir. En effet, il peut avoir du mal à se
percevoir comme une personne en situation de pouvoir et pourra préférer rester dans une situation de distance polie, sans prendre le risque de confrontation pouvant clarifier
certaines situations.

Par ailleurs, en France, le travail social est aujourd’hui très présent et le rôle des travailleurs sociaux est connu auprès de la majorité des personnes, ce qui n’est pas le cas dans d’autres sphères ou espaces culturels.

C’est pourquoi les accompagnateur.ice.s peuvent parfois faire face à des situations de confusion qui provoquent des incidents critiques.

Si des personnes accompagnées n’ont jamais entendu parler du rôle de travailleur social, il semble normal que l’aide, la bienveillance et l’accompagnement qui leur sont apportés, les amènent à considérer le travailleur social au-delà de son aspect professionnel. De plus,  l’aspect professionnel varie selon les cultures et les différents cadres de référence.

La question est donc souvent la suivante : quelle distance devons-nous mettre avec les personnes accompagnées ?

Cela dépend bien-sûr de l’identité de chacun et où chacun fixe sa frontière d’intimité.

L’incident « Une amitié trop prenante » est un exemple typique de ce type de questionnement. La narratrice explique « Je veux qu’il me considère comme une amie mais malheureusement je n’ai pas spécialement le temps (ni l’envie spécifique)  dans  ma  vie personnelle  de  voir  Soumaïla  régulièrement. »

Ici, la narratrice doit choisir et décider de la distance à installer avec le participant, si sa vie personnelle donc son intimité, ne lui permettent pas de prendre plus de temps pour voir cette personne, c’est à elle de décider et d’expliquer ses limites et jusqu’où va son rôle professionnel.

L’intimité est donc une zone sensible très fréquente, notamment dans le travail social auprès des primo-arrivant.e.s, de par la nature même du rôle du professionnel.

Les incidents

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